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3 mai 2021

Salomé Géraud & Jonathan Jérémiasz, portraits d’entrepreneurs et regards croisés sur l’agrément ESUS

Salomé Géraud & Jonathan Jérémiasz, portraits d’entrepreneurs et regards croisés sur l’agrément ESUS
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Le Mouvement Impact France rassemble aujourd’hui plus de 250 entreprises ayant l’agrément l’ESUS parmi les 1700 recensées par le Ministère de l’économie et des finances. A l’occasion des 4 ans de l’agrément et pour marquer l’accélération de la transformation écologique et sociale de nombreuses entreprises que pourrait marquer un tel agrément repensé, le Mouvement Impact France présente deux adhérents dans un regard croisé sur les enjeux et les ambitions d’un tel agrément.


Pouvez-vous nous présenter votre structure ?

Salomé Géraud : Le Drive tout nu est une jeune entreprise que j’ai fondée avec mon mari, Pierre. C’est un concept de Drive où l’on fait ses courses en ligne avec tous les produits de grande consommation, sauf que l’on est sur des produits locaux (60% sont produits à moins de 100km) et issus d’une agriculture ou d’une production vertueuse, biologique ou respectant des normes de qualité et de préservation de la biodiversité, des sols etc. Tout est sans emballage jetable, les bocaux et de sacs de toile sont mis à disposition des clients qui sont encouragés à nous les ramener via une incitation financière.

Jonathan Jérémiasz : Pour ma part je dirige 3 structures qui sont chacune pas si jeunes. Comme les Autres est une association reconnue d’intérêt général qui accompagne des personnes handicapées dans leur parcours de reconstruction après un accident de la vie. Handiamo, c’est une entreprise qui accompagne des sportifs handicapés de haut niveau dans leur carrière et qui organise des événements de sensibilisation au handicap par le sport. Et Voix publique, une agence de communication en coopérative qui fait de la mobilisation citoyenne sur des sujets d’intérêt général.


En plus de ces missions d’utilité sociale et écologique, est-ce que vous intégrez d’autres engagements structurants dans vos entreprises ?

Jonathan Jérémiasz : Dès mes premières expériences entrepreneuriales, j’ai toujours insisté pour instaurer des pratiques justes et équitables, notamment sur les sujets de partage de la richesse et du pouvoir. Ce sont des sujets qui sont inscrits dans les statuts, avec une limitation stricte des écarts de rémunération ainsi qu’un mode de gouvernance participatif. C’est très lié à la mission d’utilité sociale, on ne peut pas agir au quotidien pour protéger ou accompagner des publics fragiles et en même temps ne pas valoriser les humains qui travaillent dans l’entreprise, la responsabilité des dirigeants va au-delà des bénéficiaires et des clients et s’adresse à toutes les parties prenantes, y compris les salariés et y compris le dirigeant qui doit être exemplaire.

Salomé Géraud : ce qui nous a d’abord animé, c’est de proposer un service où il n’y a pas de place pour le déchet, c’est autour de ça qu’on a réfléchi notre modèle d’entreprise et ensuite viennent s’ajouter des briques de bonnes pratiques qui nous paraissent évidentes : la valorisation des femmes sur les postes de direction, l’emploi des jeunes, mais aussi des prix justes pour nos clients. Comme on a créé le Drive tout nu en 2018 suite au Parcours Entrepreneurs de programme de Ticket for Change, on a eu de bons tuteurs pour guider le développement et rédiger des statuts qui garantissent l’adéquation à nos valeurs.

L'agrément ESUS est adapté à nos valeurs et nous sert de cadre dans notre démarche d’impact. Il nous a permis de fixer un horizon de développement vertueux à moyen terme
— Salomé Géraud

Comment s’intègre l’agrément ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) dans cette démarche ?

Salomé : nativement. On a rédigé nos statuts avec ESUS en perspective, c’est un agrément adapté à nos valeurs et qui nous sert de cadre dans notre démarche d’impact. Il nous a permis de fixer un horizon de développement vertueux sur le moyen terme. C’est aussi avec la force de cet agrément que nous nous sommes développés puisque nous avons réalisé très rapidement une levée de fonds en faisant rentrer au capital des fonds pour qui ESUS était une garantie de notre impact et de notre démarche.

Aujourd’hui, alors qu’on est en pleine phase de développement et d’essaimage via la franchise sociale, l’agrément, ou du moins l’objectif de l’agrément, est devenu une règle et une clause du contrat de franchise. C’est un très bon élément pour mesurer la sincérité de la démarche des franchisés sur le volet du partage de la valeur, il vient cependant en complément d’autres KPI d’impact que nous surveillons de très près et qui ne sont pas couverts par le scope de l’ESUS notamment sur notre démarche 0 déchets et le choix de produits locaux.

Jonathan : c’est devenu un prérequis, c’est un garde-fou indispensable qui permet de garantir une répartition de la richesse équitable et cohérente avec des valeurs. Même s’il est imparfait, l’agrément me parait un bon complément à des statuts déjà bien rédigés. Il vient certifier une démarche et des pratiques, et surtout, permet de guider le développement d’une entreprise parce qu’il fixe un cap qui empêche les dérives, notamment sur les réserves obligatoires, le réinvestissement et la limitation des dividendes qui permet de faire fructifier la mission d’utilité sociale.


Comment cet agrément pourrait évoluer pour vous et aussi pour accompagner les entreprises dans leur démarche de transition ?

Salomé : C’est évident que l’on peut faire mieux, déjà sur l’existant, les agents de la DIRECCTE pourraient être mieux sensibilisés, mais le cœur du progrès est sur l’ambition de l’agrément. Une entreprise qui a une vraie mission sociale et qui s’attache à mettre l’impact au même niveau que le chiffre d’affaires devrait avoir accès à plus d’incitations et plus de coup de pouces des pouvoirs publics. L’agrément ESUS pourrait être cette porte d’entrée qui ouvre des politiques publiques avantageuses, encore faut-il qu’il soit mieux connu, des chefs d’entreprise mais aussi des consommateurs, il y a un vrai enjeu de lisibilité des entreprises à impact, et notamment celles agrémentées ESUS.

Jonathan : Je vois plusieurs axes d’amélioration sur l’agrément tel qu’il existe aujourd’hui. Le premier angle mort que l’on peut résoudre rapidement, c’est le problème de la lucrativité au moment de la cession des parts d’une ESUS qui n’est pas du tout encadrée. Un autre enjeu est de mettre plus en avant l’impact écologique qui est, depuis la Loi Pacte, un des volets de l’utilité sociale mais qui gagnerait à être valorisé, ce qui pourrait passer par un changement de nom en imaginant par exemple un agrément Entreprise Solidaire et Ecologique. Ensuite sur le volet des avantages permis par l’agrément, on pourrait aller plus loin, en octroyant dans un premier temps les avantages de la reconnaissance d’intérêt général (mécénat, bénévolat…), puis en en ajoutant d’autres : fiscalité favorable, préférence dans la commande publique… Surtout, le plus gros effort repose sur la communication autour de cet agrément car de très nombreuses structures pourraient en bénéficier pour peu qu’elles réfléchissent différemment à leur activité, c’est par exemple le cas des artisans et des petits commerçants. Ca pourrait être un formidable outil pour guider toutes ces entreprises vers la valorisation et l’augmentation de leur impact positif et accélérer le développement de l’économie solidaire et écologique.

L'agrément pourrait bénéficier à de très nombreuses structures pour peu qu’elles réfléchissent différemment à leur activité. C’est par exemple le cas des artisans ou des petits commerçants. Ca pourrait être un formidable outil pour guider toutes ces entreprises vers la valorisation et l’augmentation de leur impact positif et accélérer le développement de l’économie solidaire et écologique.
— Jonathan Jérémiasz
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