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31 mai 2023

Tech for bullshit : on arrête ?

Tech for bullshit : on arrête ?
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J’ai bossé à Station F pendant 4 ans.

Un incubateur où se construit l’économie de demain et où les grosses boites de la tech vont chasser les futures licornes.

Franchement, l’espace est sympa (belle verrière), mais j’éprouvais moins de sympathie pour certaines activités de mes voisins.

En me baladant dans les couloirs, j’ai entendu un type lancer d’un ton enjoué :

“Nous on est customer-facing from day one, on va les défoncer avec nos NFT !”

Je ne sais pas ce qui m’a mis le plus mal à l’aise entre son agressivité, son franglais, ou sa joie manifeste face à cette invention absurde. Cette phrase m’a rappelé que beaucoup de start-up travaillent sur des innovations soit complètement inutiles, soit carrément nocives pour la société.

Se faire livrer de la confiture en 10 min, est ce bon pour quelqu’un, à part les vendeurs de scooters (et de costards violets) ?

Pourquoi ? Mais oui pourquoi ?

Je le dis d’autant plus facilement que je suis un repenti de la start-up nation. J’ai déjà foncé tête baissée pour participer à des projets qui me semblent sacrément inutiles désormais.

Les messages relous que j’envoyais à mes ami·es quand je trouvais excitant de vendre des produits superflus sur Kickstarter

Par ailleurs nos entrepreneur·es ne sont pas de mauvais bougres. Il doit donc y avoir un truc qui cloche :

  • Est ce parce que l’argent reste le critère unique de réussite qui efface tous les autres ?
  • Est ce parce qu’on nous a enseigné une vision unique de l’entreprise ? Elle répond à un besoin du marché et doit être rentable, peu importe ce qu’on fait ?
  • Manque-t-on de modèles pour s’identifier à un autre type d’innovateur·ices ?

Pour moi, un des problèmes central tient en 5 mots :

On ne réfléchit pas assez.

Oui, nous, entrepreneur·es, salarié·es, investisseur·ses dans la tech, nous ne nous posons PAS assez la question des conséquences de ce qu’on fait pour la société.

On passe alors parfois des années à travailler sur des projets qui n’ont pas de sens pour nous, pour les autres, et pour la société.

C’est quand même dommage, non ? Alors qu’il suffit de traverser la rue pour trouver des problématiques passionnantes auxquelles s’atteler.

Startuppeur qui traverse la rue à la recherche d’une vraie problématique

1% des personnes concentrent 50% des richesses (1), on est en train de vivre la sixième extinction de masse du vivant (2), on se prépare à une France à +4°C (3)…

La succession de crises profondes qu’on vit transforme notre monde en un laboratoire géant. On a de plus en plus de défis à relever avec de plus en plus de contraintes. C’est paradoxalement le meilleur cadre pour stimuler notre créativité et innover socialement et écologiquement.

Et beaucoup le font déjà :

  • Pierre, qui a créé Open Food Facts : la base de données de 2,5 millions d’aliments en open source qui a permis la diffusion du Nutriscore, et le lancement de Yuka. Avec une équipe de 8 personnes seulement.
  • Lucie, qui a lancé Linkedout : le site qui permet de partager son réseau pro avec des gens qui n’en ont pas. Déjà plus de 200     embauches de personnes éloignées de l’emploi en 3 ans.
  • Anthony, qui a créé Diversidays pour rendre le monde de la tech plus inclusive. Plus de 10 000 personnes accompagnées pour se reconvertir vers le numérique.

Et un tas d’entrepreneurs sociaux qu’on a la chance d’accompagner sur le volet tech chez Share it.

Des projets qui montrent qu’on peut être super innovant, avec des modèles différents au service de causes sociales et environnementales. (Et yes, il y a aussi de l’argent pour les financer)

En deux mots : soyons critiques

Je m’adresse donc à nous, membres de Tech for good France, et innovateur·rices de touts poils qui flairent les prochains filons tech (coucou l’IA).

Avant de nous lancer sur des nouveaux projets : Soyons critiques.

  • Soyons critiques vis à vis de nous même : posons-nous les questions suivantes : Ce projet est il en accord avec mes valeurs ? Est-il utile à la société ? Rentre-t-il dans les limites planétaires ? Concentre-t-il les richesses et le pouvoir entre certaines mains ?
  • Soyons critiques vis à vis des projets des autres : ayons le courage de critiquer, de dénoncer, quand nous sommes face à des innovations qui nous semblent inutiles ou néfastes.

Alors, peut-être, on pourra se balader à Station F et entendre des bonnes nouvelles en franglais :

“Nous on est anti-bullshit from day one : on lance un projet en lequel on croit, et qui devrait aussi changer le monde !”
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